Algériennes
Le Soir d'Algérie
Culture : Projection de "Algériennes" de Djamel SELLANI à le salle Zinet (OREF)
Et elles subirent la gégène...
"Algériennes" est le titre du film-documentaire de 56 minutes de Djamel Sellani produit par les Films du cyclope et la RTBF, projeté pour la première fois en Algérie mardi soir à la salle Zinet de l’Office Riadh El-Feth, à Alger. Une version longue sera disponible à la projection dans un mois, promet le réalisateur. Louisette Ighilahriz, Fatma Baïchi, Eliette Loup, trois femmes algériennes, anciennes combattantes de la guerre d’Algérie, témoignent devant la caméra de Sellani de leur résistance face aux exactions de l’armée française.
L’émotion est perceptible dès le début du récit. Louisa, populairement appelée Louisette, la première à remonter le temps, laisse s’échapper les larmes de la douleur qui refait surface quand elle se remémore l’injustice sociale qui régnait des années avant la guerre. “Bougnoul”, sales Arabes… les insultes acerbes des colons lui ont donné un avantgoût de la torture, mais cela ne représentait qu’un fragment de leur cruauté. L’après-novembre 1954 a laissé libre cours à l’imagination des tortionnaires qui usèrent de moyens sadiquement ingénieux pour délier les langues, ou, dans certains cas, simplement pour se venger. Elles ont toutes été arrêtées après 2 ou 3 ans dans le maquis, certaines par malchance, comme Louisette, à qui les soldats ont amené sa petite sœur qui l’a reconnue, aussitôt en toute innocence. Transférées chacune dans les centres de torture, elles subiront les pires sévices. Après plus de 40 ans, Fatma Baïchi foule aux pieds l’un de ces centres devenu une classe d’école, où elle connut la douleur de la gégène, la brutalité des coups et le visage boursouflé d’hématomes de son frère, à peine âgé de 18 ans, qui lui disait amusé : “Après tout, on ne meurt qu’une fois et c’est fini.” Encore plus amusée et amusante, Eliette Loup parle de la torture avec ironie, explique qu’elle doit sa résistance face à la sauvagerie des militaires à une petite flamme qui n’a cessé de vivre en elle et qui représentait la juste cause. Elle prit conscience assez tôt de l’illégitimité des actes inhumains de ses compatriotes et préféra se rallier, corps et âme, au combat des Algériens. Après une visite émouvante de Louisette à la tristement célèbre villa Susini, les trois moudjahidate iront revoir la prison Serkadji, celle qui portait le nom de Barberousse du temps de leur incarcération. Ce fut une délivrance pour les trois femmes, qui, après avoir frôlé la mort de très près, ont retrouvé “le salut” des geôles grâce à la clémence de certains officiers de l’armée française. Les trois Algériennes étaient présentes pour cette première ainsi que Hamid Guessière, un moudjahid de Chebli, et Annie Steiner et d’autres. Tous se disent prêts à pardonner mais faut-il que les Français demandent le pardon et reconnaissent ce qui est, après tout, le passé.